Science
22
07
2021

Conscience, où te caches-tu ?

Le cerveau produit-il vraiment la conscience ?
TAGS : Ame | Cerveau | Chamanisme | Connaissance de soi | Cortex | Energie sombre | Esprits | Freud | Jung | Matière noire | Mécanique quantique | Méditation | Mental | Mort | NDE (Near Death Experience) | Religion | Univers
Publié le : 22 juillet 2021 - Modifié le : 18 juin 2023

Personne ne peut douter que nous faisons à chaque instant l’expérience de quelque chose : une pensée, une émotion, une sensation physique, un son, une odeur, une vision, etc. bref, nous sommes des êtres conscients. D’instinct, nous considérons que notre conscience et notre cerveau se confondent, celui-ci donnant naissance à celle-là… Et pourtant, des voix s’élèvent, de plus en plus nombreuses, pour avancer l’hypothèse que la conscience serait en fait à l’extérieur du cerveau. Pourquoi joue-t-elle ainsi à cache-cache avec nous ?

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La scène se déroule de nos jours à l’intérieur d’une voiture. Le conducteur est très attentif à sa route. Tous ses sens sont en éveil, il est prêt à réagir au moindre événement inattendu. Et voilà que son téléphone sonne. D’habitude, il ne répond pas car il est conscient qu’il est très dangereux de téléphoner en conduisant. Mais là, il voit que c’est sa femme qui l’appelle. Et ce n’est pas son habitude d’appeler son mari quand elle le sait en voiture. Il se dit alors que cela doit être important et, avec mauvaise conscience, il décroche. S’ensuit une longue conversation, effectivement importante : on vient de faire à la jeune femme une proposition professionnelle très intéressante et elle doit répondre rapidement. Elle aimerait savoir ce que son mari en pense. Ils passent ensemble en revue les points positifs et négatifs et cela dure bien une dizaine de minutes. Puis la conversation se conclue par un « Je vais y réfléchir » de la jeune femme qui est ravie d’avoir eu l’avis de son mari.

Le conducteur songe encore quelques secondes à sa conversation avec sa femme. Il repense à des arguments qu’il aurait pu avancer, puis il reprend le contrôle de sa conduite. Il se rend compte alors qu’il ne garde aucun souvenir de son trajet pendant les dix minutes qu’il a passées au téléphone. Pourtant, il ne s’est pas trompé de route, il a bien pris la sortie de l’autoroute qu’il devait emprunter. Il a alors un étrange sentiment. Il ne se souvient absolument pas de sa conduite mais en fait, quelque chose est resté conscient et l’a guidé sur la bonne voie. D’ailleurs, tout en téléphonant, il avait bien conscience de regarder la route, de regarder les panneaux, de surveiller les autres véhicules. Il était conscient des deux phénomènes : la conduite et la conversation au téléphone. Cette dernière semblait accaparer son attention, toute son attention, mais en fait non. Une autre conscience s’occupait de sa conduite, ce qu’il avait coutume d’appeler son « pilote automatique », mais après avoir raccroché, la surveillance de la conduite est passée de cette conscience secondaire à la conscience principale, tous les souvenirs des événements de la route se sont évaporés, alors que la conversation avec sa femme, elle, a bien été stockée dans sa mémoire.

Cette scène anodine, que beaucoup ont vécue, nous conduit à nous interroger sur l’un des phénomènes les plus mystérieux de la nature, la conscience. Il n’y a pourtant rien de plus banal que la conscience. On peut douter de tout mais pas qu’on fait à chaque instant l’expérience de quelque chose : une pensée, une odeur, une image, un souvenir, une douleur, une sensation. Au point que cette expérience nous donne le sentiment d’exister en tant qu’individu, à l’évidence différent d’un autre individu, avec l’aptitude à interpréter toutes ces informations selon des filtres qui n’appartiennent qu’à nous, notre conscience du monde étant aussi et avant tout une conscience de soi. Je pense donc je suis.

J’ai choisi cette anecdote au fond très anodine du conducteur qui téléphone en voiture car elle met en lumière un phénomène qui laisse les scientifiques un peu perplexes :

La conscience est vécue comme un « goulot d’étranglement », un « point de passage ». On ne peut être conscient que d’une chose à la fois. Ceux qui croient qu’ils peuvent faire plusieurs choses en même temps, se trompent, et nous trompent. En fait le cerveau passe d’une activité à l’autre très vite et nous avons l’impression de les mener en même temps, mais en réalité c’est une illusion. Cet enchaînement rapide de plusieurs activités finit d’ailleurs par épuiser le cerveau et il perd en efficacité. C’est pourquoi il est conseillé, pour améliorer ses performances, de ne faire qu’une chose à la fois, de se concentrer.

Dans le cas de notre conducteur, le cerveau n’a pas pu gérer en même temps la conversation et la conduite de la voiture ; il a donc « délégué » celle-ci à une sorte de sous-conscience purement instinctive, presque réflexe, qui s’occupe aussi du volant, du changement de vitesse et des pédales. C’est la conscience du conducteur qui elle, beaucoup plus évoluée, s’est occupée de la conversation avec sa femme. Mais naturellement, à la fin de l’échange, le souvenir de la conduite s’est totalement envolé. Le cerveau n’en a pas traité les différentes phases pour les mémoriser. De même qu’on ne se souvient pas, à la fin d’un trajet, des actions qu’on a menées pour conduire la voiture.

Même si, selon un processus qui échappe encore aux scientifiques, notre cerveau capte et analyse en arrière-plan une multitude d’informations nous venant de l’extérieur ou de l’intérieur, nous ne sommes vraiment conscients que d’une chose à la fois. Notre conscience se présente comme le « lieu » où notre expérience de nous-même et de notre environnement se vit. C’est là que convergent nos sensations, nos pensées, nos perceptions (intérieures ou extérieures), là que nous les analysons et que nous en tirons des conséquences : une nouvelle pensée, une action, une réaction, etc. Sensation/Analyse/Action.

La conscience apparaît alors comme une sorte de poste de pilotage. Nous sommes assis au pupitre, nous avons à notre disposition une batterie de boutons pour lancer des actions. Devant nous, nous avons des quantités d’écrans qui nous diffusent des images de l’extérieur, avec les sons ! de l’intérieur, du passé, du présent, et même des simulations de l’avenir. Nous sommes bien calés dans notre grand fauteuil de maître des opérations et nous contrôlons tout ce qui arrive dans la salle des commandes, et nous envoyons les ordres pour lancer les actions que nous jugeons opportunes. Il y a bien un pilote dans l’avion, et c’est nous.

Mais cette vision de la conscience est en fait très moderne. Aujourd’hui sans doute on peut se considérer comme le pilote dans l’avion, ou le capitaine du navire, ou le contrôleur du réseau ferré, mais il n’est pas dit que nous avons toujours eu cette conscience…

La conscience des hommes d’autrefois

Pendant très longtemps l’homme n’a pas eu le sentiment qu’il pilotait sa vie. Sa conscience, comme nous la concevons aujourd’hui, était un peu diffuse — partagée, disons. Sa destinée était plutôt réglée par les divinités. Son moi individuel n’était pas encore très bien formé. La conscience de l’individu se mêlait à celle des autres individus qui l’entouraient, et même à la nature. Sa conscience personnelle n’était en fait qu’une partie d’une conscience plus globale dont les contours dépendaient beaucoup de ses croyances.

En fait, la conscience de l’homme a incarné au début ce qui, justement, échappait à l’homme, à son libre-arbitre. Elle se confondait avec son âme, et donc avec le divin. Sa conscience a évolué au fil du temps en fonction de l’évolution de la conception du divin. On connaît cette évolution : le divin s’est d’abord incarné dans les forces de la nature, puis ces forces ont pris peu à peu la forme de divinités, puis ces divinités diverses et variées n’en ont plus formé qu’une, Dieu, et peu à peu cette unique divinité extérieure s’est intériorisée pour devenir la divinité en soi, le Moi.

Longtemps deux conceptions ont prévalu : l’une considérait que la conscience humaine avait d’abord été religieuse, une pure volonté de Dieu, sans vraiment d’individualité, puis avait évolué vers la conscience individuelle que nous connaissons aujourd’hui ; l’autre considérait qu’au fond, depuis que nous étions devenus homo sapiens sapiens, notre conscience était la même. Parler de la conscience de l’homme aujourd’hui comme si cette conscience avait toujours représenté la même chose pour l’esprit humain est à mon avis une erreur. Le psychologue Jung a théorisé l’existence d’un inconscient collectif, qui est comme une sorte de pyramide où s’empilent les différents groupes : la nature, les êtres vivants, l’humanité, la nation, le village, la famille et enfin le clan. Au sommet de cette pyramide, le pyramidion doré, le Soi. Il est possible qu’autrefois la conscience humaine était centrée non pas sur le pyramidion comme aujourd’hui, mais sur les étages inférieurs, ces étages qui aujourd’hui sont devenus inconscients, mais qui dans des époques reculées ont pu être beaucoup plus conscients. La conscience individuelle est une apparition très récente. Longtemps, c’est Dieu qui a été aux commandes. Et avant Dieu, il y avait sans doute dans le cerveau de nos ancêtres une « bouillie » où lui et les arbres n’étaient pas si éloignés que cela.

D’ailleurs les psychologues considèrent que le nouveau-né, dans ses premiers instants, n’a pas de conscience individuelle. Ce n’est que progressivement qu’il découvre que son pied est son pied et pas celui d’un autre. De même, pendant longtemps, il se confond avec sa mère et partage avec elle le même inconscient. Ce qu’elle vit, il le vit. Ce qu’il vit, elle le vit !

Ainsi quand on parle aujourd’hui d’émergence de la conscience on parle d’émergence de la conscience individuelle. Mais d’autres formes de conscience ont existé auparavant qui expliquent sans doute bien des mystères de la conscience, notamment celui de pouvoir téléphoner en conduisant. Car il est bien possible qu’en réalité, nous soyons habités par une multitude de consciences… plus ou moins conscientes !

Et si aujourd’hui on se pose la question de savoir où est la conscience, ce n’est pas parce que des découvertes récentes ont montré que la conscience pouvait se désolidariser du cerveau et vivre sa vie sans lui, c’est justement parce que la conscience humaine, longtemps, n’a pas été localisée dans la boîte crânienne de l’individu. Autrefois, elle englobait les autres hommes, les autres éléments de l’environnement, le soleil, la lune, les arbres, les pierres. Notre individualisme moderne est si poussé que nous cherchons aujourd’hui à retrouver cet état de connexion avec la nature. C’est bien le signe qu’autrefois la conscience n’était pas liée à notre seul cerveau mais englobait d’autres éléments de notre environnement. C’est un point capital, sans doute la clef de tout, sur lequel je reviendrai.

Les âmes groupe

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La capacité de l’être humain à manifester de l’empathie à l’égard de ce que vit un autre être humain vient d’ailleurs de ce passé où nous étions tous reliés les uns aux autres dans une même conscience. Aujourd’hui, cette liaison n’a pas disparu, heureusement, elle est devenue inconsciente et elle se manifeste sans doute moins facilement qu’autrefois.

Mais il existe des circonstances où nous retrouvons cette conscience collective. C’est le cas lorsque nous assistons à un match de football, à un concert, lorsque la nation se réunit autour d’un événement, une commémoration, un attentat, un deuil. Alors, notre conscience semble s’extirper de notre cerveau et communie avec d’autres consciences pour ne former qu’une conscience, non plus individuelle mais collective.

Des analyses très poussées ont été menées sur les cerveaux des musiciens d’une petite formation. Les conclusions sont sans appel : les cerveaux des musiciens se synchronisent, ils ne forment plus qu’une conscience unique.

Et cela est vrai de toutes les activités humaines. C’est le fameux « esprit d’équipe » qui devait animer autrefois nos ancêtres chasseurs cueilleurs quand ils partaient en quête de nourriture. Et ne parlons pas des danseurs qui effectuent leurs mouvements dans un synchronisme quasi parfait. Les pilotes de la Patrouille de France ont raconté à quel point, aux commandes de leur avion, ils se sentaient en communion avec les autres avions de leur formation.

« Chaque démonstration est précédée par le rituel de la « musique », orchestré par le leader. Assis face à lui, positionnés comme dans la formation, les pilotes effectuent précisément les gestes qu’ils feront en vol, tandis que le leader détaille toutes les instructions, exactement comme il les dira à la radio. Les yeux fermés, chacun sent les autres autour de lui, tous ont le sentiment d’être dans leur avion. » Michel Berry dans « Pour la beauté du geste, les leçons de management de la Patrouille de France [1] ».

Mais alors comment en est-on venu à penser que la conscience était le fruit de notre cerveau alors que, même aujourd’hui, à l’occasion de certains événements, nous voyons bien que notre conscience dépasse les limites de notre individualité pour se fondre dans la masse, cette masse conditionnant alors nos perceptions, nos analyses et nos actions.

En fait, longtemps confondue avec le divin comme nous l’avons vu, la conscience individuelle n’a pas été l’objet d’une réflexion très élaborée. Elle ne se distinguait pas vraiment de l’âme et en conséquence, son étude n’était pas encouragée. Il a fallu attendre Descartes et le triomphe de la raison pour qu’on commence à s’y intéresser, en se débarrassant le plus possible de tous les éléments religieux qui pouvaient lui être attachés.

Mais comme on était loin d’avoir exploré tous les mécanismes mentaux, la conscience a été vue alors comme une expression naturelle du cerveau. Ni plus ni moins. Conscience = Cerveau. Cerveau = Conscience. Il a fallu attendre Freud pour prendre conscience, c’est le cas de le dire, que l’activité du cerveau ne se limite pas aux seuls phénomènes dont nous sommes conscients. Il existe parallèlement une activité inconsciente, très riche, qui peut aussi influencer notre comportement et qui ne s’en prive pas, d’ailleurs, comme l’a montré la psychanalyse.

Et l’inconscient surgit des profondeurs…

Certes, on savait depuis longtemps qu’une grande partie de l’activité du cerveau échappait à la conscience, car la science a montré que cerveau pilote notre organisme par des mécanismes qui échappent à notre conscience. Il reçoit des informations de tous les organes, en permanence, et donne des ordres en conséquence. Un coup d’hormone pour rééquilibrer ceci, un coup d’une autre hormone pour rééquilibrer cela. Même quand nous avons une envie pressante, ce n’est pas la vessie qui nous ordonne d’aller aux toilettes, c’est le cerveau ! Bref, il est sur tous les fronts, contrôle tout, régule tout ! Il sait tout. Et la plupart du temps, nous n’en sommes pas conscients, sauf quand le cerveau a besoin qu’on intervienne, par exemple pour boire quand la déshydratation est trop grande. Ou pour manger quand les calories commencent à manquer. Etc.

Mais admettre l’existence de l’inconscient n’a pas été une mince affaire car cela revenait à enlever à la conscience son rôle d’unique maître à bord, d’unique pilote dans l’avion. Il pouvait donc y avoir deux conducteurs et donc deux volants — au moins deux…

Au début de ses recherches, Freud pose que l’inconscient de l’individu est vide et se remplit peu à peu avec les contenus que le conscient rejette. Une manière quand même de donner le beau rôle à la conscience qui fonctionnerait ainsi comme une gare de triage, les rêves et certains actes manqués se chargeant de rappeler à la conscience ce qu’elle tentait désespérément d’oublier…

Plus tard, sous l’influence de Jung, Freud admettra que l’inconscient n’est peut-être pas totalement vide à la naissance, qu’il contient des éléments structurants. Car Jung, disciple dissident de Freud, pose de son côté que l’inconscient d’un individu est un vaste réservoir de structures, des « archétypes » qui modèlent son comportement à son insu. Il décrit ainsi l’anima (l’âme masculine), l’animus (l’âme féminine), la persona (l’image sociale), l’ombre, le héros, etc… Toutes sortent de figures dont il remarque que les contes et les mythes décrivent l’action et l’influence sur les humains.

Et puis comme cela se suffisait pas, il va développer le concept d’inconscient collectif dont j’ai déjà parlé. Nous serions tous reliés les uns aux autres par nos inconscients et cette liaison serait de plus en plus étendue à mesure que l’on plonge dans l’inconscient jusqu’à embrasser toute la création. De sorte que ce qui se passe dans notre famille, dans notre clan, dans notre pays, dans notre continent, dans notre espèce, etc. aurait une résonance en nous. Comment ? Mystère.

À partir des travaux de ces deux hommes, et de bien d’autres, l’égalité Cerveau = Conscience a volé en éclat. Notre cerveau abriterait toute une activité dont nous ne serions pas conscients. Et le pire est que cette activité n’aurait pas forcément de lien avec ce qui occupe la conscience.

Cela vous est arrivé. Vous cherchez un nom. Vous ne le trouvez pas. Vous n’y pensez plus. Vous passez à autre chose et deux heures après ou le lendemain, bim ! le nom vous revient. Pendant que votre conscience était occupée à autre chose, votre cerveau a continué à chercher le nom en question. Il a farfouillé un peu partout, cela lui a pris plus ou moins de temps et quand enfin il l’a trouvé il vous le communique à l’impromptu, à un moment où vous avez « la tête ailleurs » ! Vous n’y pensiez même plus ! Le cerveau, lui, a non seulement retrouver le nom, mais — et ce n’est pas le moindre exploit — il sait à 100 % que c’est celui que vous cherchiez. Et il ne vous a pas demandé votre avis. Il vous l’apporte sur un plateau, emballé, pesé, certifié.

Et encore, dans cet exemple, le cerveau a travaillé sur une tâche que vous lui aviez confiée sans le lui demander expressément. Mais il y a aussi des situations où le cerveau vous sert une idée à laquelle vous ne pensiez pas. Il a trouvé pour vous un axe de développement, ou simplement une destination de vacances, sans vous en parler avant. Et tout à coup, il vous envoie le fruit de son travail. Et souvent vous vous écriez « Eureka ! ». Quelle merveilleuse idée j’ai eue !

Oui, c’est vous qui l’avez eue, mais qui l’a vraiment eue ? Personne ne le sait.

Les scientifiques pensent ainsi que dans le cerveau humain, différents sous-systèmes, qu’on ne délimite pas bien, auraient une sorte d’autonomie de perception, d’analyse et d’action. Pareil que la conscience. Et c’est ainsi que notre mari du début peut se concentrer sur sa conversation avec sa femme tandis qu’une autre instance de son cerveau conduit la voiture.

C’est ainsi qu’au fil du temps, sous l’influence de Freud et de Jung notamment, on a renoncé à l’égalité Conscience = Cerveau. Il a donc fallu aussi renoncer à l’égalité avancée par Descartes des années avant : Conscience = Moi (« Je pense donc je suis »). Et c’est bien embarrassant, car qui sont les autres qui gèrent nos affaires dans notre cerveau ? Freud, on le sait, avait dégagé deux autres instances à côté du Moi, le Ça et le Surmoi. Et ces instances, qui prenaient parfois possession de l’individu, avaient une autonomie telle qu’il était difficile de considérer la conscience comme le siège unique du moi et donc de l’individu.

La belle unité de notre personnalité était quasiment réduite à néant ! Et plus on creusait la question, plus on se rendait compte que notre Moi était une construction bien artificielle, faite en réalité d’un empilement de structures indépendantes, autonomes. Et c’était un miracle si on arrivait à dire « je » sans se sentir écartelé.

On sait aussi que les individus qui ont le corps calleux sectionné, ce corps qui relie les deux hémisphères du cerveau, le gauche et le droit, ce corps qui nous permet par exemple en voyant un objet (perception de l’hémisphère droit) de le nommer (aptitude de l’hémisphère gauche), eh bien ces personnes ont pour ainsi dire deux consciences, l’une émane de ce qui se passe dans l’hémisphère gauche et l’autre de ce qui se passe dans l’hémisphère droit. Pas simple tout cela.

Mais ce qu’il y a de bien avec le cerveau, c’est qu’il peut être étudié par les deux bouts de la lorgnette. On peut le voir comme un processus mental ou comme un processus physique. Peut-être que la science moderne allait découvrir dans les neurones des choses qui mettraient un terme à la grande confusion dans laquelle la psychologie nous avait plongés.

Juste une question de tuyaux ?

Car on touche là au cœur de l’énigme de la conscience.

Personne ne sait comment le monde physique a pu donner naissance au monde mental. L’espace qui sépare le corps de l’esprit est si incommensurable qu’on ne sait pas comment on passe de l’un à l’autre. On aura beau découper le cerveau d’Einstein en fines lamelles (ce qu’on a fait), on ne découvrira pas la théorie de la relativité. La cervelle est décevante, très décevante. Et comment, de ces circuits de milliards de neurones interconnectés, émerge une pensée ? On n’en sait rien.

Dans un avion moderne comme l’A380 dAirbus, il y a un réseau de 530 kilomètres de câbles électriques. Ce n’est pas mal. Mais de tout cela, à ma connaissance, n’émerge pas une pensée, encore moins une conscience. Certes, c’est tout petit par rapport au réseau d’environ 100.000 kilomètres formé par nos 86 à 100 milliards de neurones. Mais est-ce vraiment une question de taille ?

Et là se pose la question de la conscience animale. Il est imprudent de juger de l’extérieur l’existence d’une conscience. En général, pour décider qu’un être vivant est conscient, on teste la fameuse boucle : perception, analyse, action. Il semble que notre chien ou notre chat ait une conscience, et beaucoup d’autres animaux, dont les singes, si proches de nous. Et de nombreuses expériences ont été menées sur des petits animaux qui montrent qu’avant de mener une action, ils réfléchissent à la plus efficace, à la plus adaptée. Simple réflexe génétiquement acquis ou effet de la conscience ? J’aurai l’occasion de revenir sur ce point capital.

Les animaux ont-ils une conscience ?

La question de la conscience des animaux est une de celles qui nous pose le plus de problèmes. Quand nous côtoyons nos amis domestiques les plus évolués, comme les chiens ou les chats, nous voyons bien qu’ils ont une certaine conscience d’eux-mêmes. Il y a des choses qu’ils aiment et d’autres qu’ils n’aiment pas. Ils « aiment » bien certains situations et en « détestent » d’autres. Et pourvu qu’on ait plusieurs chats ou plusieurs chiens, on voit bien qu’ils ont chacun leur « personnalité ».

Des expériences ont été menées pour savoir si les animaux ont une conscience d’eux-mêmes. Une expérience très simple relatée par Stanislas Dehane dans « Le Code de la conscience » consistait à demander à des dauphins d’appuyer sur une manette de gauche s’ils entendaient un son grave et sur une manette de droite s’ils entendaient un son aigu. S’ils répondent correctement ils reçoivent une copieuse récompense. L’expérience ne permettait pas vraiment de déterminer s’il y avait une conscience chez ces dauphins, car il pouvait s’agir simplement d’un conditionnement inconscient dû au dressage. L’expérimentateur eut alors l’idée d’introduire une troisième manette « Je ne sais pas », et de compliquer le jeu en émettant des sons peu éloignés les uns des autres. Difficile pour l’animal de déterminer si ces nouveaux sons étaient graves ou aigus. S’ils appuyaient sur la manette « Je ne sais pas », les dauphins recevaient une récompense mais moindre que s’ils avaient identifié avec succès un son grave ou un son aigu.

L’expérience a fonctionné. Après un temps d’apprentissage de cette troisième manette, les dauphins l’ont utilisée quand ils n’étaient pas sûrs que le son était franchement aigu ou franchement grave. Les expérimentateurs en ont déduit que les dauphins manifestaient ainsi une certaine conscience d’eux-mêmes, c’est-à-dire de leurs limites personnelles. Savoir qu’on ne sait pas, serait effectivement un stade évolué de conscience de soi, au-delà du pur conditionnement.

En tout cas, nous n’avons aucune idée de ce à quoi ressemble la conscience des animaux. Nous avons vu que la nôtre a évolué de façon bien spécifique au cours du développement de l’homo sapiens. Au fil des milliers d’années d’évolution, nous sommes passés d’une conscience qui débordait du cadre de l’individu et englobait son environnement, à une conscience limitée à l’ego. À quel stade en sont les animaux ? Certes, les chiens réagissent quand on les appelle par leur nom, et les chats aussi quand ils le veulent bien (c’est-à-dire presque jamais). D’autres animaux semblent associer à leur être un nom prononcé par un humain. Mais de quelle manière s’effectue cette association ? Quelle signification a-t-elle réellement pour eux ? On ne le sait pas vraiment. Et on ne le saura sans doute jamais.

On peut tout aussi bien regarder un robot de type humanoïde et voir qu’il perçoit son environnement, l’analyse et réagit selon des règles qui lui sont propres. Mais a-t-il une conscience ? Certes, il est doté d’une intelligence artificielle, mais celle-ci lui a été apportée au moment de sa fabrication par l’homme. Elle n’est pas née de l’agitation de ses câbles électriques. Et même si, sur cette base, il peut développer de nouvelles capacités, il n’est pas parti de rien comme les êtres vivants. Et rien ne dit que cette intelligence artificielle génère une « conscience » au sens où nous entendons la nôtre.

Nous ne savons donc pas comment cette approche mentale du monde est née d’un système nerveux un peu développé. Elle a demandé quelques milliers d’années pour se constituer, et nous ignorons comment elle va évoluer (si notre espèce vit encore quelque temps…).

Pendant longtemps, cette ignorance a conduit à considérer que le physique et le mental étaient deux univers parallèles, l’un au-dessus de l’autre : le corps, vil, en bas ; l’esprit, noble, en haut. L’un en proie aux pires démons ; l’autre capable de prouesses dignes d’un ange. Pour les Orientaux, la différence entre le corps et l’esprit n’était pas si tranchée. Pour eux, le corps et l’esprit étaient sans doute les deux faces d’une chose qu’on ne connaissait pas. Pourquoi pas ? Selon qu’on le regarde de profil ou d’en haut, un cylindre peut sembler être un rectangle ou un cercle. Cela rejoint la conception selon laquelle le monde dans lequel nous vivons est celui de la dualité : jour/nuit, chaud/froid, haut/bas, corps/esprit, homme/femme, PSG/OM, etc. Une sorte de décomposition en deux d’un principe unique de départ dont on ignore tout.

C’est sans doute quelque chose comme cela car sinon on ne sait pas comment la matière a créé la pensée.

L’examen du cerveau par le bout de la lorgnette mentale ayant débouché sur une grande confusion, la science a bombé le torse et nous a dit : Par notre bout de la lorgnette physique, on va tout vous expliquer.

Alors, il faut bien reconnaître que les neurosciences ont fait des progrès considérables en quelques décennies. On sait maintenant parfaitement quelles zones du cerveau s’activent (seules ou en groupes) en fonction de nos activités. On a beaucoup avancé sur la connaissance des neurones eux-mêmes, la façon dont ils véhiculent l’information, dont ils se connectent entre eux, dont ils peuvent prendre le relais de zones abîmées. Oui, on a beaucoup avancé, mais en fait, on n’est pas plus avancé ! En tout cas pour notre énigme de la conscience.

On comprend mieux maintenant qu’il y a dans le cerveau des zones qui jouissent d’une certaine autonomie d’action et qui génèrent en quelque sorte des mini-consciences. Mais nulle part on n’a trouvé ce fameux poste de pilotage, ce « goulot d’étranglement » par où passent les informations dont nous sommes conscients au moment M. Il n’y a pas dans le cerveau de point de convergence. Il y a des structures qui fonctionnent indépendamment les unes des autres ou ensemble, s’interconnectent si nécessaire, mais l’activité du cerveau n’aboutit nulle part. Or c’est embarrassant car c’est l’impression que nous donne notre conscience. À chaque instant nous avons bien le sentiment que tout converge vers un point, ce qui nous vient de l’extérieur, ce qui nous vient de l’intérieur, que ce soit mental ou physique, et que toutes ces informations aboutissent sur les fameux écrans dont j’ai parlé au début, et que nous analysons tout cela.

Eh bien non. Les neurosciences ne nous décrivent pas quelque chose de ce genre. Les différents pôles d’activité du cerveau travaillent chacun dans leur coin, en relation ou non avec d’autres, mais nulle convergence à l’horizon.

En fait, les scientifiques qui ont commencé à étudier le fonctionnement du cerveau, grâce au progrès de l’imagerie, notamment, ont surtout agi en cartographes, en quelque sorte. Ils étaient tout contents (et nous avec) quand ils nous annonçaient : si le cerveau entend un son, il s’allume ici. S’il voit une image, il s’allume là. S’il parle, il s’allume de ce côté-là. S’il touche un objet, il s’allume de cet autre côté. Etc.

Et quand les scientifiques parviennent à faire bouger le petit doigt d’un cobaye en introduisant une électrode dans son cerveau, ils exultent de joie. Mais si on leur dit qu’on est aussi capable de bouger son petit doigt par la seule volonté consciente, panique à bord ! ils ne savent pas comment on fait.

Les scientifiques évitent donc le sujet de la conscience. Ils sont comme des mécaniciens auto. Ils ont bien compris qu’en appuyant sur la pédale d’accélérateur le moteur tourne plus vite mais qui appuie sur la pédale ? Là, ils bloquent. La conscience leur paraît plutôt relever d’un domaine magique où la science doit éviter de s’aventurer. Du coup, la partie de cache-cache n’est pas près de s’arrêter !

Ainsi, pendant des décennies on a assimilé la conscience à des phénomènes purement physiques, liés à l’activité des neurones. Mais dans les années 70 des voix se sont élevées pour dire que cela choquait quand même un peu — beaucoup même — l’expérience concrète que nous avions de la conscience. Notre conscience — la conscience humaine — est d’une richesse absolue et intuitivement, nous sentons qu’elle n’est pas seulement le fruit d’une activité neurale.

Les scientifiques ont donc fini par admettre que la conscience humaine était sans doute autre chose qu’une simple excitation de circuits électriques. S’est formée alors l’idée que la conscience serait non pas un point — introuvable, d’ailleurs — mais un état global du cerveau. Notre conscience serait le reflet de l’état du cerveau à un moment donné. La conscience viendrait de l’analyse instantanée de toute l’activité des différentes zones du cerveau. Les spécialistes parlent d’ « embrasement du cerveau ».

Peut-être. Mais cela ne résout pas la question fondamentale : à qui est destinée la conscience ? Qui est assis devant les écrans de contrôle ? Qui appuie sur les boutons des pupitres ? Sans même se demander pourquoi, ce qui nous entraînerait trop loin…

Mais d’où vient la conscience si particulière de l’homme ?

L’être humain est appelé homo sapiens sapiens, ce qui veut dire « l’homme qui sait qu’il sait ». Ou qu’il ne sait pas d’ailleurs.

Mais les expériences sur les animaux dont j’ai parlé plus haut ont conduit les spécialistes à remettre en cause cette idée que ce qui distingue l’homme des autres espèces, c’est qu’il sait qu’il sait, ou qu’il sait qu’il ne sait pas. Et même qu’il ne sait pas ce qu’il ne sait pas.

Or, nous voyons bien que notre conscience va bien au-delà de cela. Nous serions plus que des homo sapiens sapiens, car il est bien possible que des animaux aient aussi cette capacité à savoir ce qu’ils ne savent pas, l’expérience avec les dauphins l’a montré…

Alors, grande question des scientifiques, qu’est-ce qui fait que la conscience humaine est vraiment différente de celle qu’on soupçonne chez certains animaux ?

La réponse réside sans doute dans le langage que l’homme manie avec brio depuis des millénaires. Il semblerait, selon ces spécialistes, que le langage, avec ses infinies subtilités, permet à la conscience humaine d’atteindre une sophistication que la conscience non verbale des autres espèces ne peut atteindre.

Certes, les animaux peuvent accéder à des niveaux de conscience proches des nôtres. Ils peuvent avoir des souvenirs, se rappeler certaines situations, savoir qu’une chose existe, qu’elle n’est pas là, savoir qu’il ne savent pas. Mais ils ne parviendront jamais à l’imbrication de pensées dont l’homme est capable grâce au langage. Par exemple, l’homme peut dire : « Je sais qu’il me ment mais je sais aussi qu’il ne sait pas que je le sais ». Cette simple phrase est une imbrication complexe de concepts que seul le langage autorise, ou favorise.

Il semble donc que le langage, qui est propre à l’homme dans sa forme la plus évoluée — même si le langage de certains animaux peut être très évolué lui aussi — soit au fond ce qui fait que la conscience humaine est si différente de celle des animaux. Car non seulement elle nous permet de complexifier nos ressentis intérieurs, mais elle nous permet aussi de deviner les pensées des autres, fussent-elles très sophistiquées. La conscience de soi chez l’homme est aussi une conscience de l’autre. Et aucune expérience ne prouve que les animaux aient porté cette conscience-là au niveau où l’être humain la vit au quotidien.

Aujourd’hui, les scientifiques ont dépassé le stade purement mécanique de la conscience et ont su intégrer dans leurs recherches des éléments qui tiennent compte de l’expérience intime que nous avons au quotidien de notre conscience.

Nous savons aujourd’hui de quelle manière les zones distantes du cerveau communiquent entre elles pour nous servir une représentation multiple, riche, de notre environnement, et de nos recherches intérieures. Nous savons même maintenant comment des phénomènes sont perçus inconsciemment avant d’être « présentés à la conscience », non sans un certain traitement préalable.

Point de conscience à l’horizon

Mais malgré ces découvertes spectaculaires les scientifiques reconnaissent eux-mêmes qu’ils n’ont pas touché au but, loin de là. Ils s’en sont approchés comme jamais auparavant grâce aux techniques d’imagerie cérébrale. Mais des énigmes subsistent. La principale étant que non seulement, nous sommes conscients du monde extérieur et de notre monde intérieur, mais nous sommes aussi conscients que nous en sommes conscients. Selon l’expression de Stanislas Dehaene dans « Le code de la conscience » [2] « il existe très certainement, dans le cerveau humain, un système qui permet de retourner le projecteur de la conscience sur lui-même et d’analyser ses propres pensées ». Mais où se cache-t-il ?

La science du cerveau ayant fait énormément de progrès ces dernières années, et surtout, ayant dépassé le cadre purement électrique de l’activité du cerveau pour prendre en compte des fonctions plus évoluées et plus nobles, on pouvait penser que la question de la conscience était réglée, ou presque. En tout cas, on avait parfaitement analysé les mécanismes qui donnaient naissance à notre conscience, même si le doute subsistait sur l’identité de « l’instance » à qui ces informations étaient destinées. Mais on se disait qu’on était sur la bonne voie et qu’on finirait bien par le savoir…

La conscience semblait donc un phénomène globalement bien cerné par la science. D’ailleurs, les scientifiques pouvaient eux-mêmes utiliser ces connaissances pour créer des comas artificiels, bien utiles dans le traitement de certaines maladies. On pouvait même créer des pertes de connaissance, comme dans les anesthésies, pour éviter aux patients de souffrir.

Bref, avec quelques poudres de perlimpinpin on pouvait contrôler l’état de conscience d’un individu.

Tout cela était d’ailleurs perçu comme une preuve supplémentaire de la nature purement physique de la conscience, et surtout de sa liaison avec le cerveau.

D’ailleurs, chacun, je pense, a pu faire l’expérience qu’en absorbant certaines substances, du simple verre de vin à la drogue la plus dure, notre conscience se trouve altérée à des degrés divers. Nous savons aussi que certains accidents de la vie peuvent atteindre le cerveau et en endommager des zones, modifiant notre conscience et l’idée que l’on se fait de soi-même. Et bien sûr, je me dois de parler des maladies dégénératives comme Alzheimer qui altèrent tellement le fonctionnement du cerveau que l’individu finit par oublier qui il est.

Toutes ces pathologies du cerveau — et je n’en ai évoqué que quelques-unes ici — donnent fortement à penser que le sort de la conscience est scellé avec celui du cerveau. Conscience = Cerveau. Pour les tenants de l’idée que la conscience est une émanation du cerveau, les faits sont imparables. Pas de cerveau, pas de conscience.

Inutile de chercher où elle se cache ; elle est dans notre tête !

Mais prenons une image. Tous les matins, dès votre réveil, vous allumez votre station préférée, disons RTL. Ou Europe 1 si vous préférez. On Fun Radio, peu importe. Une station de radio lambda. Les plaisanteries douteuses des animateurs entre deux malheurs du monde vous mettent de bonne humeur. Et puis un beau jour — un sale jour en fait — vous laissez tomber votre radio par terre. Vous n’étiez pas bien réveillé, le sol était glissant, vos nouvelles pantoufles accrochaient moins bien au carrelage de la cuisine. Catastrophe ! La radio est en piteux état et comme dirait Bourvil : « Forcément, elle va moins bien marcher maintenant ! ». Effectivement, maintenant, elle vomit des sons à peine audibles. Est-ce que pour autant votre station préférée est morte ? Bien sûr que non. C’est juste le récepteur qui est endommagé, mais la station, elle, fonctionne toujours parfaitement.

Certaines personnes pensent que la conscience obéit à la même loi. Le cerveau serait en fait une radio qui capte la conscience, laquelle est indépendante. La radio peut certes être défectueuse, la conscience, elle, n’est pas altérée pour autant. Ceux-là dissocient la conscience du cerveau. La conscience n’est pas dans le cerveau.

L’idée n’est pas récente. Si l’on revient un peu en arrière, au début du XXe siècle, on constate le développement inattendu du mouvement spirite. Les esprits sont à la mode. On les invoque, on les fait parler. On organise de grandes soirées à frisson en s’asseyant autour de tables qui tournent ! Les esprits des morts semblent vouloir délivrer des messages aux vivants et répondre aux questions restées en suspens par leur décès : « Où as-tu caché les bijoux, on ne les retrouve plus ! ». « Vraiment tu es mon père ? ». Bref, tout ce qu’on ne s’est pas dit du vivant du défunt, on charge les tables de nous le dire en tournant.

Ce courant spirite va naturellement avancer l’idée que la conscience des individus n’est pas liée au cerveau. La mort peut bien couper le courant dans le cerveau, la conscience, elle, continue d’exister et mène une nouvelle vie. C’est un retour à l’idée que la conscience, c’est l’âme, et que l’âme survit à la mort physique. Une manière d’enfoncer le clou : le physique et le mental n’ont rien à voir. L’un meurt, l’autre pas.

Esprit es-tu là ?

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Tout cela n’est pas nouveau ! On sait les trésors d’imagination et d’ingénierie que les pharaons égyptiens ont déployés pour que leur âme puisse mener une nouvelle vie après leur mort. Mais le mouvement spirite arrive à un moment où avec les travaux de Freud ou de Jung, et les recherches scientifiques très novatrices sur le cerveau, les « tempêtes sous un crâne » comme dirait Victor Hugo, passionnent… les esprits. C’est aussi l’époque où le religieux perd du terrain, l’âme se dépouille peu à peu de son caractère sacré et les fantômes se mettent à hanter les salons bourgeois de ce siècle avides d’expériences nouvelles.

Si les esprits de nos défunts peuvent ainsi se manifester, c’est que la conscience individuelle n’est pas une émanation d’un objet physique, le cerveau — qui a été mangé par les vers — mais une entité transcendantale qui vit dans un autre monde, dans une autre dimension en fait.

C’est aussi à cette époque qu’un médium, Edgar Cayce, se fait connaître en soignant des malades, alors qu’il n’a aucune connaissance médicale. Comment fait-il ? Il consulte par médiumnité les « Archives Akashiques » appelées aussi « Annales Akashiques ». Selon les théosophes, ces archives ou annales, sont des sortes d’enregistrement de tous les événements du monde, les événements mais aussi les pensées, les émotions. C’est la mémoire des âmes. Rien de scientifique n’a à ce jour attesté l’existence de ces archives. Mais elles viennent compléter un tableau de l’invisible où la conscience trouverait sa place. En fait, la conscience n’appartiendrait pas au monde physique, elle n’en serait pas l’émanation, elle appartiendrait au monde mental, invisible, et obéirait à d’autres lois, notamment à d’autres lois spatiales et surtout temporelles.

En fait l’idée d’une liaison stricte entre le cerveau et la conscience a commencé à prendre du plomb dans l’aile quand des expériences de « vie après la mort » ou NDE (Near Death Experience) ont été relatées par un nombre croissant d’individus.

Tout est parti d’un livre du psychiatre Raymond Moody « Life After Life » paru en 1975. En effet à cette époque, les techniques de réanimation de patients qui semblaient cliniquement morts se sont considérablement améliorées et les personnes ainsi « ressuscitées » pour ainsi dire, ont pu raconter ce qu’elles avaient vécu pendant leur phase d’inconscience.

Or, justement, elles n’avaient pas été inconscientes, comme leur état semblait le suggérer. Elles avaient vécu des expériences conscientes d’une autre nature que l’expérience commune. Elles racontaient souvent s’être retrouvées collées au plafond et avoir assisté à tout ce qui se passait dans leur chambre d’hôpital : le travail du personnel médical, les visites de la famille et des proches. Elles racontaient aussi avoir reçu une invitation à se diriger vers une intense lumière au fond d’un tunnel. Là, souvent, les attendaient des proches décédés qui, en général, leur disaient qu’il n’était pas encore l’heure de mourir et les incitaient à retourner dans leur chambre.

Le livre du Dr Moody a fait sensation car il semblait accréditer le principe d’une survie de l’âme à la mort physique. Il a été très critiqué, naturellement, l’argument principal étant que ces personnes « réanimées » par principe, n’étaient pas mortes. Pas totalement. On pouvait donc attribuer leurs récits aux nombreuses substances chimiques qui leur étaient administrées et non à leur mort. On imaginait que dans ces moments de mort imminente le cerveau produisait des substances apaisantes pour faciliter le passage, substances qui pouvaient générer les images et les sensations racontées par les « réanimés ».

Mais les récits se sont multipliées et les langues se sont déliées. Des expériences ont même été entreprises pour valider les informations données par les personnes inconscientes. Certaines pouvaient décrire précisément le personnel médical s’étant rendu à leur chevet, ou le déplacement de certains objets. Et il a bien fallu se rendre à l’évidence qu’elles disaient vrai. Collée au plafond, leur conscience avait bien enregistré des faits, faits dont elles n’auraient pas eu connaissance depuis leur lit.

Les récits concernant les tunnels avec de la lumière au bout n’ont pas pu faire l’objet d’expérience et donc il a été difficile pour les scientifiques de leur apporter un certain crédit.

En revanche, les témoignages des « visions » des patients inconscients dans leur chambre ont troublé les esprits, même des plus sceptiques. Impossible d’expliquer tous ces phénomènes par la seule production d’hormones.

D’autant qu’il n’y a pas que les personnes dans le coma qui vivent ce genre d’expérience. Il s’agit en fait d’un phénomène assez fréquent qu’on appelle une « sortie astrale ». De nombreuses personnes, en très bonne santé, en-dehors de tout accident ou maladie, en ont expérimenté une, sans le chercher, parfois dans des endroits insolites.

Et là encore, les langues se sont déliées, notamment après la parution du premier livre de Daniel Meurois-Givaudon en 1980 « Récits d’un voyageur de l’astral » suivi en 1983 de « Terre d’Émeraude ». Ecrits avec Anne Meurois, ces livres décrivent des « décorporations » que les deux époux ont vécues à partir de 1971. Ils racontent avoir notamment visité les fameuses Annales akashiques dont j’ai parlé plus haut à propos d’Edgar Cayce.

Leurs ouvrages ont suscité beaucoup de critiques et de scepticisme, naturellement. Mais ils m’ont personnellement beaucoup impressionné… et inspiré.

Comme je l’ai raconté dans mon récit « Ces vies dont nous sommes faits », je me suis livré de 1987 à 1990 à des expériences de méditation qui m’ont permis de voyager dans le temps et dans l’espace par l’esprit. Mais au fil de ces exercices assez intenses, j’ai bien senti que « quelque chose » cherchait à sortir de mon crâne. Je sentais une poussée à l’arrière de ma tête et il fallait que je me contrôle pour faire cesser le phénomène, terrifié à l’idée que si je quittais mon corps, une « âme errante » viendrait s’y installer !

Mais j’ai alors acquis la certitude que mon « âme » voulait quitter mon corps, que mes exercices de méditation avait un peu distendu le lien qui unissait solidement l’une et l’autre. Ils n’étaient plus aussi solidaires…

Voici ce que je raconte dans mon récit :

« Cent fois, au cours de précédentes méditations, j’avais failli sortir de mon corps, mais au dernier moment, pétrifié de peur, j’avais renoncé et interrompu le processus qui s’était mis spontanément en route sans que je le veuille. Il me fallait vaincre cette peur. Je savais que, si l’on surmonte sa peur, s’ouvrent de magnifiques perspectives. Je devais trouver à visualiser cette idée : la plus grande joie est cachée derrière la plus grande peur.

Je me suis souvenu alors de l’histoire d’une des pionnières de l’aviation, Adrienne Bolland. Elle fut la première aviatrice à découvrir une passe à travers la cordillère des Andes pour relier l’Argentine au Chili. Aucun avion de l’époque ne volait assez haut pour passer au-dessus de la montagne. Il fallait donc trouver une voie de passage. Des aviateurs s’y étaient essayés avant elle. Ils avaient lancé leur avion dans une passe qui paraissait prometteuse. Hélas, ils avaient tous péri.

La veille de sa tentative, une vieille femme est venue voir Adrienne Bolland à son hôtel et lui a décrit le chemin qu’elle devait emprunter. D’abord, on aperçoit un lac en forme d’huître, puis il y a une paroi qui se dresse face à soi, abrupte, mais il faut voler vers elle, car, au dernier moment, sur la droite, il y a un passage qui mène vers le Chili.

Avec beaucoup de courage, Adrienne Bolland suit le conseil de la vieille femme. Elle repère le lac en forme d’huître, elle voit la paroi abrupte et lance son avion dessus. Elle doit naturellement vaincre la plus grande peur de sa vie. Elle va s’écraser sur cette paroi et connaître le même destin fatal que les autres aviateurs. Mais comme lui a dit la vieille femme, au dernier moment, l’aviatrice aperçoit sur sa droite un passage et réussit à gagner le Chili. Une route est ainsi ouverte grâce à elle.

Pendant des semaines, je m’astreins à répéter cette scène mentalement pour visualiser la paroi abrupte, ma très grande peur, la mort qui vient et puis finalement, l’ouverture de la voie.

Ainsi, je finis par dominer ma peur. Étant parvenu à relier l’Argentine au Chili par l’esprit, une sortie astrale ne devrait plus m’effrayer ! Un matin, je crois être sur le point de réussir. Je suis prêt moralement à tenter une sortie. Mais rien ne se produit. Je suis trop tendu. Je me demande vraiment ce que je vais découvrir pendant ce voyage, qui je vais rencontrer, où je vais aller. La curiosité est très forte, et je sens que je dois franchir ce cap. Découvrir par moi-même, directement, ce qui se passe derrière le rideau et ce qui me guide depuis le début de cette aventure il y a près de deux ans. J’ai franchi peu à peu toutes les étapes, les voyants, les régressions, la médiumnité, les fantômes, les « voix » intérieures. Il faut maintenant que je dissocie ma conscience de mon corps et que j’aille y voir de plus près. C’est inévitable. Sinon tout ce chemin n’aura servi à rien. J’ai certes vécu des émotions très intenses, mais pratiquement sans quitter ma baignoire. Je dois faire le grand saut et aller visiter moi-même d’au-delà. Et pourquoi pas aller consulter les Annales Akashiques chères au médium Edgar Cayce, et qui contiennent tout l’expérience humaine...? Mais j’ai trop peur.

Je décide donc de renoncer. Je sors de mon bain, passe un peignoir et vais m’allonger sur mon lit pour m’endormir. Et il suffit de cette détente soudaine pour que le phénomène se produise ! Je sens mon esprit quitter ma tête par la base du crâne et tout de suite, je me retrouve coincé sous le plafond de ma chambre plongée dans l’obscurité. Je me dis : « Surtout, n’aie pas peur ! N’aie pas peur ! Tout va bien se passer ! » Comment un phénomène pareil est-il possible ? À ce moment précis ma première idée est de regretter que des scientifiques n’étudient pas de près ce genre d’expérience ; en général, ils se contentent d’analyser les témoignages de personnes qui ont vécu des sorties astrales. Comment la conscience peut-elle ainsi se détacher du corps et aller se coller au plafond ? Sans convaincre les témoins, ils expliquent le phénomène par un dédoublement de personnalité proche de la schizophrénie. Or, l’expérience, avec un peu d’entraînement, est parfaitement reproductible. Pourquoi, dès lors, des scientifiques ne tentent-ils pas eux-mêmes une sortie ? Ils en concluraient sans doute que la conscience n’est pas un phénomène physique localisé dans le cerveau, et cela remettrait en question beaucoup de certitudes.

C’est une chose de lire ce type d’expérience dans un livre, c’en est une autre de la vivre ! Mon « point de conscience » est bien sous le plafond, dans le coin de la chambre, et non pas en bas dans mon corps, ce corps qui est allongé sur mon lit et que je ne vois pas très bien. Il était comme masqué par du noir. Irina m’expliquera plus tard qu’on l’a « masqué » pour que sa vision ne me panique pas. Mais je vois très bien mon lit, ma table de chevet, les murs de ma chambre, la fenêtre. Tout. Rien à voir avec un rêve. Rien à voir avec une rêverie éveillée. Ma conscience est bien sortie du corps et est allée se loger au plafond. Elle est alerte, pas du tout endormie ! Au contraire même, mes sens sont en éveil, comme jamais sans doute ils ne l’ont été. Curieusement, je me sens respirer aux deux endroits : dans le lit et au plafond.

Très vite, je m’habitue à ce nouvel état. Pas d’autres âmes à l’horizon. Je suis seul dans ma chambre. Enfin, seul avec moi-même, allongé en bas. Je prends un peu d’assurance. Je me dis que je ne vais pas rester comme un ballot collé au plafond. Je n’ai qu’à émettre le désir d’aller dehors pour qu’aussitôt je traverse ma fenêtre et mes volets fermés et que je me retrouve à quelques dizaines de mètres au-dessus du bitume de ma rue. Curieusement, il fait nuit dehors, alors que le jour était levé depuis longtemps quand j’ai regagné ma chambre après l’échec de ma tentative dans la baignoire. Ai-je remonté le temps ?

Je me mets à danser au-dessus de la rue, comme un fou, pendant que les voitures passent en dessous de moi. Puis, courageux, mais pas téméraire, je demande à regagner ma chambre. J’en ai assez vu pour une première sortie astrale. C’est totalement terrifiant. Terrifiant de naturel, de simplicité. Il y a toute cette vie, là, à portée de l’esprit, cette vie qu’on ignore.

Je rentre dans ma chambre en passant comme si de rien n’était à travers les volets et la vitre de la fenêtre et je m’apprête à regagner mon corps, qui est encore allongé sur le lit. Je me tiens debout et je commets l’erreur de regarder mes pieds. Car j’avais des pieds ! Les miens sont censés être dans le lit avec mon corps. Ces pieds-là sont en quelque sorte une réplique immatérielle, ou du moins à peine matérielle. Ils flottent un peu au-dessus du parquet, s’enfoncent dans les lattes, remontent. Curieusement, cette vision de mes pieds me terrifie complètement. Cela a pour effet de me ramener rapidement dans mon corps. Je me souviendrai toujours de la sensation à ce moment-là. J’étais allongé en chien de fusil et mon âme reprend exactement la même position pour venir coïncider avec le corps physique. Et une fois que les deux se sont épousés parfaitement, je me « réveille » ou plutôt, comme je n’étais pas endormi, je reviens à une conscience « classique », dirai-je.

L’expérience me laisse pantois. Quand je regarde mon réveil, mon désarroi augmente encore d’un cran. Alors que l’expérience m’a semblé durer quelques secondes à peine, deux heures se sont écoulées entre ma sortie du corps et mon retour dans la chambre. Qu’ai-je donc fait pendant ces deux heures ?

Pour Irina, à qui je raconte mon aventure quelques jours plus tard, pendant ces deux heures, mon âme est allée régler quelques affaires puis, jugeant sans doute que cela ne me regardait pas, ou que j’allais encore trembler comme une fillette, elle en a effacé le souvenir en moi ! »

Cette expérience est la plus déroutante de ma vie. Elle va d’ailleurs mettre un point final à mes expériences spirituelles extrêmes. J’ai vraiment eu trop peur ! Mais j’ai compris ce jour-là que la conscience n’était pas dans le cerveau. Pas que dans le cerveau. Elle navigue dans un vaste espace invisible mais l’incarnation fait qu’elle se connecte naturellement à un organe du corps humain, le cerveau, qu’elle modèle sans doute autant qu’il la modèle.

Ces témoignages de décorporations sont si nombreux que les scientifiques ont bien été obligés de se pencher dessus. Ils ont en général conclu à un phénomène électrique. En insistant sur la zone médiane entre les lobes temporal et pariétal, le gyrus angulaire droit, ils ont pu provoquer une sensation de sortie du corps sur une patiente éveillée atteinte d’épilepsie. Certes, mais d’autres expériences, notamment de personnes inconsciences, ont montré que l’origine électrique du phénomène n’expliquait sans doute pas tous les cas. C’est sans doute prendre la conséquence pour la cause.

Je me dis souvent qu’avant de lancer des explications de cette sorte, les chercheurs seraient bien inspirés de réaliser eux-mêmes une sortie du corps, comme j’en ai moi-même réalisé une volontairement après quelques mois d’entraînement. Ils constateraient alors d’eux-mêmes que l’expérience est tout à fait hors norme et soulève bien des interrogations.

Pour l’instant, le vaste champ de ce qu’on nomme les « états modifiés de conscience » reste à explorer scientifiquement.

En tout cas, pour moi, il est clair aujourd’hui que la conscience n’est pas dans notre cerveau, même si c’est grâce à lui qu’elle peut donner d’elle-même son expression la plus sophistiquée.

Et en plus la physique quantique n’arrange rien !

La physique quantique a mis en évidence un phénomène qui a longtemps défié la logique des scientifiques, même des plus éminents, comme Albert Einstein. Sans entrer dans le détail de ce phénomène, la physique quantique, c’est-à-dire la physique de l’infiniment petit, pose que les éléments de la matière sont dans un état indéterminé (position, vitesse, polarité) tant qu’un observateur ne les a pas analysés. Pour simplifier, l’état de la matière dépend du regard que l’observateur pose sur elle.

Ce phénomène a été mis en évidence à la suite d’expérience sur la nature de la lumière : était-ce une onde ou un flux de particules ? Or, si la lumière est une onde, elle ne peut être un flux de particules. Et inversement. Les deux états sont incompatibles. Et pourtant, certains scientifiques menaient des expériences qui montraient que la lumière était une onde, et d’autres aboutissaient à la conclusion que la lumière était constituée de particules. Comment résoudre cette contradiction ? En fait, la conclusion a été que la lumière a une nature double et qu’elle se montre sous un jour ou sous un autre (si j’ose dire) selon l’observateur !

L’importance de l’observation dans le domaine de la mécanique quantique a été poussée très loin avec la théorie de l’incertitude qu’Hessenberg a décrite en 1927, théorie selon laquelle l’observateur influe sur la réalité qu’il est en train de regarder. L’idée a eu du mal à s’imposer au début, notamment auprès d’Albert Einstein, qui avait pourtant découvert les fondements de la mécanique quantique, mais qui n’arrivait pas à admettre certains de ses aspects. Il avait ainsi prononcé cette fameuse phrase : « J’aime à croire que la Lune est toujours là, même si je ne suis pas en train de la regarder ».

Naturellement, les scientifiques sont incapables de nous expliquer de quelle manière la conscience de l’observateur peut modifier la réalité, influer sur l’état de la matière. Quels signaux la conscience envoie-t-elle aux particules pour pousser celles-ci à adopter un comportement ou un autre (et selon quels critères ?!). En tout cas, cela suppose une interaction à distance. Donc, en-dehors du jeu des neurones.

Mais alors où est la conscience ?

Il est peu probable que la conscience ne soit que le fruit de l’activité du cerveau. On peut supposer qu’il en est le reflet, le bras armé, l’outil de contact avec le réel. Pour les scientifiques qui veulent bien résoudre cette énigme, le chemin est sans doute encore long. Car on voit bien qu’il y a un abîme entre l’activité neurale qu’ils analysent en profondeur, avec des découvertes époustouflantes — il faut le reconnaître et le saluer — et la conscience que nous avons… de notre propre conscience. Il n’y a pas encore de pont. Et sans doute n’y en aura-t-il jamais ! Il est assez décourageant de constater qu’un phénomène tellement évident pour nous joue à cache-cache avec notre raison. Mais après tout, la réalité matérielle aussi joue à cache-cache avec nous. Il y a un gouffre entre ce que la physique quantique nous dit de la nature profonde de la matière et ce que nous en percevons au quotidien.

À mon avis, le mystère de la conscience sera percé non pas par l’étude du cerveau, mais à un niveau beaucoup plus profond, justement à ce niveau quantique, là où la frontière entre le matériel et l’immatériel semble se dissiper, là où le temps et l’espace sont abolis, là où les particules circulent aussi vite que l’information, et plus vite que la lumière elle-même. Seule l’étrangeté du monde subatomique semble à la hauteur pour résoudre l’énigme de la conscience. Celle-ci n’est au fond qu’un flux d’information. Or la mécanique quantique montre cette liaison entre le matériel (les particules) et l’immatériel (les informations qu’elles s’échangent en permanence, quel que soit leur éloignement). C’est dans cette dimension de la matière que la distinction entre physique et mental semble abolie. Pas plus que les particules qui constituent les neurones de notre cerveau ne restent en place au niveau quantique, notre conscience n’est attachée à la cervelle.

Nous baignons dans une conscience globale dont nous sommes chacun une manifestation, comme nous baignons dans une « soupe » de particules qui vivent hors du temps et de l’espace, dans une dimension où le matériel et l’immatériel se confondent. De ces « soupes » quantiques émergent aussi bien nos neurones que notre conscience… selon un mécanisme complexe que nous ne comprenons pas encore vraiment mais qui pour moi est à la base à la fois de la matière et de l’esprit, et cela, depuis l’origine de l’univers. C’est à mon avis dans le monde étrange des quanta que se cache la conscience. Et, visiblement, elle n’est pas très perturbée par les défis qu’elle lance à notre esprit ! [3].fin

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Notes

[2Odile Jacob, page 320

[3Je n’ai pas abordé dans cet article la question de la matière noire. Les scientifiques considèrent aujourd’hui que l’atome n’explique que 5% de la matière de l’univers, le reste serait de la matière noire et de l’énergie noire. Cette dernière, plus forte que la gravité, pousse l’univers à une expansion interminable (ou presque). Je l’ai évoqué dans un précédent article. L’action de la matière noire, elle, est inconnue. Elle semble structurer l’univers et lui permet de se développer selon une « matrice » cohérente. La tentation est forte pour certains de voir dans cette matière noire un possible réceptacle de la conscience universelle. Mais je ne partage pas cette vision. Pour moi la conscience se trouve à un niveau plus profond, quantique comme je l’ai expliqué.

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PUBLIÉ LE : 22 juillet 2021 | MIS À JOUR LE : 18 juin 2023
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