- Avant-propos, p1
- La prison ? Quoi de plus banal, p1
- Le service militaire, p1
- Des délinquants de plus en plus jeunes, p1
- Le parfum enivrant du violet, p1
- Il n’y a pas que l’argent dans la vie, il y a la haine aussi, p2
- La réalité devient virtuelle, p2
- Et tout explose un matin, p2
- Les parents sont perdus, p2
- Pourquoi l’un est délinquant et pas les autres, p2
- On n’est pas venus pour cela, p2
- Retour aux sources, retour au bled, p2
- La rue de tous les dangers, p2
- La vie en prison, p3
- La honte des parents, p3
- C’est toute la famille qui va en prison, p3
- Les couples vacillent, cassent parfois, résistent souvent, souffrent toujours, p3
- Le sport, il ne faut plus y songer, p3
- La sortie de prison, p3
- Retour à la cité après l’incarcération, p3
- La réputation, p3
- Trouver un emploi, p4
- On n’en finit pas de payer sa dette à la société, p4
- Retour à la case prison, p4
- Les alternatives à la prison, p4
- Sur l’exclusion de l’école, p4
- Dialogue avec la police, p4
- En guise de conclusion, p4
La vie en prison
Vient alors le moment où le jeune découvre la réalité de la prison :
« Moi, je me rappelle à l’époque en prison, on nous donnait du bromure. Moi je n’avais pas les moyens de pouvoir cantiner, parce que mon père fallait qu’il subvienne aussi aux besoins de mes frères. Le peu d’argent qu’il m’envoyait cela permettait d’acheter du coca, des gâteaux, du chocolat, bref, je déjeunais là-bas en prison et je m’étais rendu compte qu’ils mettaient du bromure, le bromure ça permet de castrer, de calmer sexuellement... sur moi ça avait l’effet inverse ! Ça avait empiré. Il y a plein de jeunes qui vont en prison, qui tournent au Subutex [3]. Quand ils sortent, c’est des loques parce qu’il y a des soucis dans la tête, c’est un traumatisme. Il y en a plein qui disent : « Oh... la prison... c’est rien », mais quand ils sortent ils vivent ça comme un traumatisme. Ils n’en parlent pas, mais on le ressent sur eux. J’y suis passé, je peux vous le dire. Moi je le dis ouvertement, oui, quand j’étais en prison il m’arrivait de pleurer... »
« Là-bas, au D2 [4], ça ne rigole pas, vous vous retrouvez avec des gens qui ont commis des actes beaucoup plus graves que les vôtres. Ce n’est pas la même vie. Vous avez droit à la douche trois fois par semaine. Vous restez vingt-deux heures dans votre cellule avec juste un droit de promenade. Au début on vous met avec un mec que vous ne connaissez pas. Il a beau vous raconter ce que vous voulez, vous ne le croyez pas parce que vous n’avez pas vraiment confiance en lui et à la finalité quand vous allez en promenade, on vous dit que ce mec-là est tombé pour ci pour ça, pour pointe, pour viol, etc. Et vous vous trouvez dans la même cellule que lui et là vous commencez à avoir le même comportement que les autres détenus au bout de deux semaines parce qu’il faut se fortifier, faut faire une ossature pour ne pas se laisser marcher sur les pieds. On se retrouve parfois seul en cellule, alors le soir, vous cogitez. Quand vous tombez malade, vous êtes seul dans votre cellule. Après vous pensez à la mort, vous pensez à d’autres choses, vous pensez à ce qui s’est passé avant. Vous êtes tout seul dans votre cellule, vous avez envie de pleurer, je vous le dis et je ne suis pas le seul à le dire, il y a plein de mecs qui pleurent en cellule tout seuls. Ils ont envie de sortir. Vous cogitez. Si vous n’êtes pas fort, vous prenez du Subutex [5] ou bien vous tombez dans la drogue, le shit, voire autre. Voilà, moi je suis resté fort »
« Quand vous êtes en prison, vous croyez que les autres détenus sont vos meilleurs amis... Je me rappelle toujours un jour, il y a un pote, je lui avais laissé mon adresse. Il m’a dit, quand tu sors, appelle-moi. Un jour, mon père a intercepté la lettre, il m’a dit : « Mais t’es fou ou quoi ? Tu crois que tu t’es fait des amis là-bas ? ». Depuis, là j’ai compris qu’en fait la prison, c’était pas tes amis et que tes amis c’est peut-être ceux qui sont dehors, mais pas ceux qui sont dedans »
« Les jeunes parlent très peu en général de ce qui se passe en prison. Ils n’en parlent que lorsqu’ils sont soit menacés soit rançonnés, là ils parlent de cette souffrance, d’une agression physique ou mentale. Ils ne parlent pas du reste, des influences négatives, c’est encore assez fermé. Mais je sais comment ça se passe dans le milieu carcéral, je connais bien cette jungle »
La honte des parents
« Je sais que tous les parents sont pareils. Aucun parent n’est fier d’entendre que c’est son enfant qui a braqué, que c’est son enfant qui a volé, qui est parti en prison. Je pense que ce n’est une fierté pour personne »
« Ta mère dans le quartier on lui dit « T’as mal élevé ton enfant » Les frères et sœurs aussi ils en prennent un coup. Dès que tu sors de prison, tu prends un très grand coup aussi. Tu es déphasé. Tu n’es plus en accord avec rien. Tu es perdu. Tu as passé pendant un certain nombre d’années, de mois ou de jours, tout seul, tu n’as fait que cogiter et malheureusement, tu cogites bizarrement parce que tu pètes les plombs. Déjà ton insertion dans la vie elle est un peu foirée. Voilà les portes qui se ferment. Et il y a aussi le retour des parents au pays, si quelqu’un a passé un appel en disant « Le fils, il est là... » alors là, tu as tué le nom de toute ta famille. Moi, heureusement que c’est resté chez moi, mais ça serait sorti, ma mère en aurait pris un grand coup au moral. Toute une vie passée à bâtir un nom potable gâchée par mon fils en deux minutes. Ça c’est la double peine. Tu vois le regard des gens qui change, tu deviens très, très vite nerveux. Tu n’écoutes plus personne parce que quand tu es dans ta galère, il n’y a personne qui est là pour toi et de nos jours, c’est ça. C’est pour ça aujourd’hui qu’un petit de treize ans il n’écoutera personne. Parce qu’il veut les sous. Pour mettre bien sa famille. Pour se mettre bien lui-même »
« Ça m’a donné la force d’aider mon enfant. J’ai été déçue d’apprendre qu’il a été impliqué dans des affaires comme ça, ça m’a énormément choquée. Mais je me suis dit : il faut te battre pour aider ton enfant. Je ne veux pas le lâcher. Si je n’aide pas mon enfant, qui va le faire à ma place ? Je me suis dit : « J’ai un combat. Maintenant que ton enfant est impliqué, qu’il est rentré dans la délinquance, il faut que tu te lèves, il faut que tu te battes pour ton enfant. Je me bats jour et nuit »
C’est toute la famille qui va en prison
La prison d’un enfant, d’un frère, d’un ami, d’un mari, change le quotidien de tout l’entourage qui se met à vivre au rythme des parloirs. Les dégâts sont considérables, les conséquences parfois incalculables :
« Les parents ils sont venus me voir au parloir. J’avais honte. Mon père est venu avec ma petite sœur. Mon père pleurait, j’ai eu honte »
« Quand il est condamné, on se retrouve tous au tribunal. Faut investir dans l’avocat. Faut envoyer les mandats. Nous aussi on perd notre travail, parce qu’il faut aller au parloir. Ça dépend dans quel bâtiment il est, mais des fois il n’y a pas de parloir le samedi. Des fois, c’est que le matin ou que le vendredi après-midi. En fait notre emploi du temps se fait par rapport à la personne incarcérée. Et en même temps on ne peut pas le laisser. On ne sait pas s’il mange, s’il boit. On est obligé d’envoyer le minimum de mandat. Il y a tout cela en fait, le linge à ramener, etc. Après, ça dépend de la maison d’arrêt. A Fresnes, c’est vraiment sale, c’est dégueulasse, limite il y a des puces. Ils sont trois ou quatre dans les cellules. C’est pas la belle vie ! Ils rentrent là-bas, ils regrettent. Même s’ils sortent en faisant les fiers. Déjà on est coupés, on ne peut rien faire. Il y a les promenades, allez, disons quarante-cinq minutes, une demi-heure, parloir de trente minutes. On ne peut pas ramener à manger, on ne peut pas ramener de cigarettes. Rien. Même nous en tant que famille on est obligés de passer au portique. Si on sonne trois fois — ça dépend des surveillants — ils nous disent : « Tu dégages ». Il suffit d’avoir un jeans pour faire sonner. On est obligé de mettre un legging. Par exemple, ma barrette, elle sonnait. Des fois j’allais en claquette au parloir surtout quand il faisait chaud avec une grande robe style robe du bled, comme ça j’étais sûre de ne pas sonner. Ce n’est pas une vie. Franchement ce n’est pas une vie. On ne peut pas leur amener des médicaments. Eux-mêmes pour se faire soigner, il faut qu’ils fassent une demande, ça prend un mois. Alors imaginez pour une rage de dents... Il y a plein de trucs comme ça, mais jeunes ne se rendent pas compte. Ce n’est pas une fierté d’aller en prison, au contraire »
« Quand on y va, c’est mélangé maintenant. Avant c’était surtout des Noirs ou des Arabes. La dernière fois que je suis allé au parloir, c’était des Espagnols. Ils venaient d’Espagne ! Ils sont obligés de dormir sur place le week-end pour pouvoir venir au parloir du samedi. Vous vous rendez compte, des gens d’Espagne ! Il y a des gens de Marseille, aussi. J’ai été étonnée, parce que maintenant il y a beaucoup de « Blancs [6] ». Ça me choque de les voir dans les parloirs. Avant on voyait beaucoup de familles africaines, d’Afrique du Nord, d’Afrique noire, parce que je pensais qu’on souffrait pas tous de la même manière. Je pensais que les « Blancs » étaient plus épargnés par la délinquance, mais non en fait, parce que dans les cités, il y a surtout des Noirs et des Arabes. Ça fait bizarre de voir de plus en plus de « Blancs » dans les prisons »
« En fait, ça a fatigué toute la famille d’aller au parloir. A la fin, il n’y avait que moi qui y allais, tout le monde a laissé tomber. C’était galère, j’ai perdu des emplois, des emplois où j’étais bien. Par rapport à la disponibilité, ce n’était pas possible. Ça dépend des bâtiments, et pour être changé de bâtiment soit il faut faire une connerie soit il faut « bloquer », comme ils disent. Ils bloquent en bas à la promenade et là, c’est sûr, ils changent de bâtiment. Parce qu’en général quand on fait la demande ils refusent. Après c’est chiant, parce qu’il y a du mitard derrière. Au mitard on n’a le droit de le voir qu’une fois pendant toute sa peine »
« On peut aussi avoir parloir avec hygiaphone. C’est du n’importe quoi. Une fois j’ai eu l’hygiaphone. Il y avait des petits trous, on ne pouvait même pas parler ! Il a fait un scandale là-bas, ils sont venus. A la fin, ils nous ont changé de cellule. On était obligé de hurler pour parler... On entendait plus la conversation du parloir d’à côté... C’est des trucs comme ça qui sont faits un petit peu exprès, car normalement ils sont censés avoir testé la cabine hygiaphone. Après, ce n’est pas tous les surveillants, il y en a qui sont gentils, mais il y en a, attention, ils sont vraiment... En tout cas, nous, quand on rentre au parloir, c’est comme si on est des détenus. Parce qu’on perd tous nos droits. On les laisse devant la porte, que ce soit n’importe quelle maison d’arrêt. On est comme eux. Après, si on sonne trop... ça dépend du surveillant, s’il est de bonne humeur on a droit à la fouille. Moi une fois on m’a dit : « Non, vous ne rentrez pas ». Une fois, c’était mon jeans qui sonnait. Donc, heureusement j’avais son sac de linge sale donc je suis partie dans les toilettes, j’ai mis son bas de survêt’. Après, quand je suis remonté, j’ai remis mon jeans, je l’avais mis dans le sac de linge sale pour qu’il ait au moins un survêt’... »
« Pour les bébés, on a le droit d’entrer avec un paquet de lingettes, une couche. Après on peut ramener de l’eau, ça dépend du surveillant. Il ouvre la bouteille, il sent pour ne pas ramener de l’alcool. C’est pas une vie, le parloir c’est sale, vous entrez, les murs sont dégueulasses. Les femmes n’ont pas trop le droit au tactile. Parce qu’au parloir on est assis, mais il y a des surveillants, ça dépend de leur humeur, deux, trois qui passent par là. Ça veut dire que vous n’avez pas d’intimité au parloir. Même parler, des fois ils viennent, ils s’approchent de vous, ils regardent. Et nous, on dit rien, parce que si on parle on a peur que la personne soit sanctionnée. Les enfants jouent, font du bruit, ce n’est pas évident. L’enfant faut qu’il soit adulte, faut qu’il passe au portique. S’il sonne, faut lui retirer les chaussures. Il ne peut pas rentrer avec un bonbon. Le pauvre petit est obligé de le jeter dans la poubelle à l’entrée. Le temps de transports, c’est galère. J’avais connu une Roumaine, son mari avait été incarcéré pour défaut de permis de conduire. Elle aussi venait, parce qu’il y a un bâtiment où tous les Roumains sont mis ensemble. C’est le bâtiment des travailleurs. Parce qu’ils n’ont pas d’argent en général alors ils les mettent en priorité dans ce bâtiment. Après c’est une galère pour les autres travailleurs parce que quand ils arrivent ils ne trouvent que des Roumains, des Manouches. En plus ils sont très communautaristes. Ils restent entre eux, ils ne parlent pas français »
Les jeunes sont-ils conscients de ces difficultés ?
« A mon avis, ils en ont conscience, mais on ne va pas leur dire. Nous, même si ça ne va pas, on va dire : « Ça va ». Parce que pour nous en fait, ils sont encore plus mal que nous là-bas. Alors on ne va pas en plus leur rajouter le problème parce qu’après ça peut leur faire péter les plombs. On prend sur nous en fait »
Les couples vacillent, cassent parfois, résistent souvent, souffrent toujours
« Les épouses, les copines sont fatiguées au bout d’un moment. Il y en a qui attendent, il y en a qui n’attendent pas. Je trouve qu’ils perdent trop. Je dis pas qu’ils ne méritent pas d’être emprisonnés, mais ils perdent trop. Et ça sert à rien puisque, la preuve, il y a tellement de gens en prison ! »
L’incarcération bouleverse naturellement la relation de couple. Ainsi, un homme incarcéré n’a plus de contact avec sa femme ni avec ses enfants :
« Ses deux enfants sont chez leur maman. Il tenait à sa femme, comme il a eu des chocs, il l’a quittée quand il était en prison. Il ne voit pas ses enfants beaucoup, mais je pense qu’il commence à mûrir. Parce qu’il vit très mal la séparation de sa femme, la séparation de ses enfants. Quand on lui amenait ses enfants il ne se sentait pas comme un prisonnier, mais maintenant il est coupé de ses enfants. Sa femme a refait sa vie... Ses enfants, il ne les voit pas. A une époque, il était très très mal. Il m’a dit : « Maman, j’ai compris, la prochaine fois je veux voir mes enfants grandir ». Ça me touche. Je sais que quand il va sortir, il va se poser des questions ses frères et sœurs vont lui dire : « Ecoute, on a dépassé cet âge-là ». Maintenant chacun cherche à se construire et surtout ils veulent aller en province. Ils veulent aller dans leur petit coin, donc quand il va sortir il touchera du doigt la réalité. Ça doit lui donner un déclic. Je lui demande : « Qu’est-ce que tu prépares ? Parce que cela ne sert à rien de sortir... Prends une décision. Si ce qui te pousse c’est l’argent, trouve quelque chose qui doit te faire entrer de l’argent, mais c’est pas en braquant. En attendant, il ne voit plus ses enfants. Ils ont neuf et treize ans, ce sont des grands maintenant. Son ex-femme ne veut pas amener les enfants, et il ne peut rien faire. Nous, pareil, elle ne nous amène pas les enfants... elle connaît pourtant l’amour qu’une grand-mère a pour ses petits-enfants. Pourquoi elle joue ce jeu-là ? Je ne sais pas. Elle s’est remariée coutumièrement. Les enfants, qu’est-ce qu’ils ont à voir ? Je ne sais pas pourquoi elle fait ce blocage. Même le portable qu’on a acheté pour la petite, là, elle l’a confisqué, elle avait peur qu’on téléphone. Quelque part, sa décision, je la comprends parce que lui il ne voit pas l’inconvénient de la prison. Il fallait que quelque chose comme cela arrive pour dire c’est moi qui fais des conneries et c’est moi qui assume, c’est comme ça. Parce que ça, ça va faire un peu de révolte pour dire mes enfants grandissent sans moi et c’est un autre homme qui élève mes enfants et ça, ça va lui faire quelque chose. Moi j’ai vu dans ses yeux comment il a changé. Le tout c’est qu’il prenne conscience dans sa vie une fois pour toutes : là où je suis c’est pas l’endroit approprié. A ma sortie je dois faire ma vie pour pouvoir gérer ma petite famille. Parce que si la fille lui amène les enfants, toujours il voit ses enfants, il dit « Bon. Même si je refais des conneries, elle va m’amener les enfants, alors c’est bon, je peux recommencer »
« La majorité des épouses tiennent le coup. Il y en a qui ne tiennent pas et qui arrêtent. Dépression. Elles en ont marre d’attendre. Parce que des fois ils sont en mandat de dépôt, on ne sait pas quand ils seront jugés. Au quotidien ça change tout, elles se retrouvent toutes seules, il y a les enfants, il n’y a plus d’argent. Les enfants, on va leur dire quoi ? Souvent, on ne leur dit pas. Souvent on leur dit « Papa, il n’est pas là ». Et pour ceux à qui on le dit et qu’on amène au parloir, c’est triste »
« Il y en a qui tiennent, il y en a qui ne tiennent pas. Parce que c’est trop. Le fait d’aller au parloir c’est fatigant. J’en connaissais une, franchement, chapeau, elle avait arrêté son travail, elle avait trouvé un travail qui n’avait rien à voir avec ce qu’elle faisait avant, c’était dans le secrétariat. Elle s’est retrouvée à faire des ménages. Pourquoi elle faisait des ménages ? Parce qu’elle pouvait faire le matin tôt à quatre heures, ensuite venir au parloir et ensuite, dès qu’elle sortait du parloir, elle retournait sur Paris pour finir les ménages. Elle était tenace : son mari, son mari, son mari »
« ll y en a qui viennent pendant un, deux, trois mois et après elles laissent. Il faut les comprendre, c’est dur. Déjà pour nous c’est traumatisant la première fois quand on rentre dans une maison d’arrêt, mais déjà on a peur, on ne connaît pas, on se dit : « C’est quoi ? ». On arrive : « Avancez... ». Il faut venir en tenue correcte parce que sinon vous allez être recalée au parloir comme un été une femme qui est venue avec une robe jusqu’au genou. Ce n’était pas vulgaire, elle avait des petits talons, elle venait voir son mari, elle n’était pas en mini-jupe. Sa robe était très jolie, même, parce qu’elle était longue, elle avait des longues jambes. Résultat, on lui a refusé le parloir. Peut-être le fait des talons. Mais je ne l’ai pas trouvée du tout vulgaire. Ce n’était pas une robe serrée. Après, elle est partie, elle a mis un survêt’, elle a enlevé le survêt’, elle l’a donné au linge. Ensuite, je sais pas ce qui s’est passé au parloir, mais quand elle est ressortie elle avait la robe et on l’a tout de suite interpellée, on a essayé de la cacher avec deux trois femmes, malheureusement, ils l’ont vue. Elle a eu un avertissement. On lui a expliqué qu’en fait c’était tenue correcte parce qu’il y a des détenus à l’intérieur et des gens à l’extérieur et ça peut être des pervers, des violeurs, des psychopathes. C’était pour ça en fait. Nous, on n’avait pas compris. Pour nous, ce n’était pas méchant, il faisait chaud. Ils mélangent n’importe qui parce qu’un malade psychologique n’a rien à faire avec un détenu normal. Quand vous allez au parloir, vous voyez des toxicos. Des fois vous n’avez pas envie de parler avec certaines personnes qui viennent voir leur famille. Parce qu’en fait vous voyez qu’il y a un problème psychologique donc du coup, vous essayez de vous esquiver... Les violeurs vont être mis à part parce qu’on les tue, mais par contre les meurtriers sont mélangés avec les autres : défaut de permis de conduire, bagarre ou trafic de drogue ou même des escrocs, on est dans le même bâtiment. Et même on mélange les âges, à partir du moment où la personne est majeure »
« Certaines femmes tombent en dépression nerveuse... on ne se maquille pas, on n’est pas bien. Il y en a plein qui ont perdu leur travail, arrêt maladie sur arrêt maladie. Il y en a qui ont été incarcérées à cause de leur mari. Et des femmes qui n’avaient rien à voir. Et comme personne n’a voulu prendre les enfants, c’est une femme qui les a pris et elle faisait le parloir entre le mari et la femme pour amener les enfants. C’était pour une histoire d’escroquerie. En fait il faisait des transactions sur le compte bancaire de sa femme. Sa femme savait qu’il y avait de l’argent, mais elle ne savait pas d’où il venait. Ça détruit les familles. Il y a aussi des femmes qui quittent leur mari. Au bout d’un moment elles en ont marre. Il y en a qui ne savaient même pas ce que leur mari faisait »
« Un jour, il y a une femme qui est venue, son mari était content de la voir. En fait, elle venait pour faire signer les papiers du divorce ! Normalement, on ne peut pas entrer avec des papiers. Il était comme un fou ! En plus c’est un père de famille. La cinquantaine. Il est devenu fou. Elle n’était jamais venue au parloir... »
« Une femme était enrhumée, elle s’est mouchée au parloir. Il y avait pleins papiers qui traînaient par terre, il y a un surveillant qui arrive. Il a bien attendu que tous les prisonniers sortent, sinon ça aurait fait l’émeute. Il lui a dit « Ouais, tu vas ramasser ça ». Elle a dit « Non, il est hors de question. Je ramasse pas, ce n’est pas à moi » Elle n’a pas ramassé les papiers. Ça peut vite prendre des proportions... Ils cherchent à nous décourager. Ils en rajoutent. Ils le savent très bien. Je me souviens : c’était un matin ils étaient bien remontés. Quand je suis arrivée je les ai entendus dire « Ouais, on va voir aujourd’hui qui on va attraper... », comme des gamins. C’était à celui qui trouverait du stupéfiant, un téléphone, des cigarettes »
« Il y a en a une, elle avait trois enfants, elle venait avec ses trois enfants, un garçon et deux filles. Mais elle venait, elle était toujours pomponnée, les enfants tirés à quatre épingles. C’était la sortie ! Mais je ne comprenais pas comment elle faisait. Toujours bien maquillée, brushing. Pour elle c’était comme si elle revivait »
Le sport, il ne faut plus y songer...
Toute la vie du jeune s’arrête brutalement. La privation de liberté, c’est aussi la privation de toutes les activités, les carrières sportives qui s’arrêtent :
« En garde à vue, j’avais un entraînement, je croyais que j’allais sortir. Le policier m’a dit : « Tu n’es pas prêt de sortir mon coco ». Quand je me suis retrouvé au tribunal en comparution immédiate, j’ai dit au procureur que je me suis rendu compte que j’avais fait le con, que ma carrière sportive était compromise, et là j’en ai pris un sacré coup au moral. J’ai dit à la juge que je faisais du sport, mais elle a dit : « Ecoutez, vous avez fait des agressions, voilà, faut payer, votre carrière de sportif, faut la mettre de côté »
« Quand je suis sorti de prison, je suis parti au sport et mon entraîneur m’a dit : « Ecoute, c’est pas compliqué, d’accord ? Ici ; c’est pas ta cité. Regarde tous les jeunes autour de toi, ils en veulent tous. Soit tu t’entraînes, soit tu dégages. Je n’ai pas besoin de savoir où tu étais, ça c’est entre nous et toi tu t’entraînes ou tu dégages »
La sortie de prison
Une fois la peine accomplie, il faut se remettre en route, et c’est souvent là que les peines commencent à pleuvoir :
« Plus les peines sont longues, plus les conditions de sortie et d’insertion durable sont difficiles, parce que la prison, ça marque un homme, que ce soit une courte ou une longue peine, ça marque un homme différemment selon les personnes également, bien évidemment. Tout le monde ne réagit pas pareil en milieu fermé. Tout le monde n’a pas la même stature, on a tous une fragilité, c’est difficile de généraliser. On n’est pas tous égaux. On n’est pas égaux bien au-delà de la prison »
« Quand on sort de milieu carcéral on est replongé dans sa vie d’avant. Même si on a payé, après faut partir ou repartir, et ça, des fois, c’est compliqué. Parce que par expérience, c’est surtout un public jeune qui n’a pas eu d’expérience professionnelle forte avant. Donc après quand on sort et qu’on cherche un emploi, pas d’expérience, un trou dans un parcours professionnel, ou un trou tout court parce qu’il n’y a pas d’expérience professionnelle, et après il faut trouver un emploi. Et bien souvent, ce public n’est pas forcément formé pour se vendre dans le contexte du marché de l’emploi. Ça tire par le haut, on va prendre la personne la plus diplômée, etc. Et puis on le voit bien, l’évolution est qu’on a de moins en moins besoin de manutentionnaires, c’est de plus en plus automatisé ; aujourd’hui, ça marche avec Internet avec des logiciels... On ne part pas égaux, malheureusement. On trébuche dans la vie, il y a un obstacle et on ressort avec ce qu’on a eu avant plus la prison »
« Après il y a ceux qui obtiennent une semi-liberté. IIs ne sortent que s’ils ont un emploi. Ils sont placés dans des lieux pas forcément proches et là c’est un parcours de combattant parce qu’ils doivent partir à une certaine heure, rentrer avant une certaine heure et assumer le travail, et ne pas déraper. Des employeurs classiques, c’est difficile d’en trouver, ils ne les prennent pas. Parce que quand les gens sont en semi-liberté ou demandent une liberté, le temps que le juge statue, c’est deux ou trois mois. Vous croyez qu’une entreprise va attendre trois mois ? »
« Il y a des gens qui pendant l’incarcération prennent conscience de la nature de leur acte, étudient, font des choses et ont la volonté de s’en sortir. Il y en a d’autres qui sortent et qui n’ont pas compris pourquoi ils sont en prison. Il y en a d’autres qui sortent un peu perturbés parce que la prison change le regard. Beaucoup de choses dépendent de l’avant. Ça dépend si la personne a déjà pu travailler, ça dépend aussi du contexte familial »
Est-ce que le fait d’avoir fait des études en prison change la donne ? Pas toujours, selon un responsable associatif :
« Ce n’est pas évident que des gens qui font des études en prison puissent rebondir ensuite. C’est vraiment pas systématique. Sur le plan social ça ne garantit rien. Ce qui compte, c’est l’organisation de la personne. On peut avoir un bac + 20 (je plaisante) et puis ne pas forcément être apte dans la vie active. On peut avoir passé un BTS et ne pas être prêt pour tenir un emploi. Parce que quand vous entrez en prison à dix-neuf, vingt ans pour deux ou trois ans et que vous ressortez, ce n’est pas évident de rebondir. Le succès à la sortie, quelle que soit la personne, c’est la prise de conscience de la personne, quand elle est incarcérée, de l’acte et de son avenir. C’est un facteur de réussite pour la sortie. Le problème est que bien souvent en milieu carcéral, la personne est volontaire, motivée. Et puis elle sort, si elle n’embraie pas tout de suite sur un emploi, sur une formation, on revient vite au point de départ, très vite. Il est là le problème. Ce ne sont pas les études. Les études aident, je ne vais pas dire que les études n’aident pas, ce serait le comble ! Mais l’important c’est est-ce qu’on a conscience de l’acte qu’on a commis, du pourquoi on est là ? »
La prison laisse des traces psychologiques, surtout pour ceux qui font de fréquents allers et retours. Double peine : même libre, on ne dort plus sur ses deux oreilles :
« A chaque fois qu’il sort, il repart à zéro, et il revient à la maison. Pas le choix. Ça se passe plutôt bien. Par contre, je sais qu’ils n’aiment pas quand on ferme les portes. La nuit, ils ne dorment pas bien. C’est bizarre, ils ne sont pas biens. Même la nuit, il suffit qu’on fasse un peu de bruit. En fait, ils sont traumatisés. Eux, ils vont jamais dire : « Oui, on est traumatisés », mais je sais que les portes chez moi doivent rester ouvertes. Il faut qu’il dorme avec quelqu’un, toujours avec un de mes frères. Des fois, quand il est tout seul dans la chambre, il ne dort pas. Il peut rester jusqu’à des deux heures, trois heures, quatre heures du matin. C’est traumatisant. Mais ils ne vont jamais nous le dire... C’est toujours : « Oui ça va. Ne vous inquiétez pas ». Que des trucs positifs. Là-bas, il y a des violences, si tu te défends pas. Du coup, quand ils sortent ils sont agressifs. Ils sont tout le temps sur la défensive, et ça c’est tous »
Et le caractère est profondément affecté, handicapant le jeune pour l’avenir. Double peine encore :
« Quand vous sortez, vous êtes encore plus paumé parce qu’il n’y a rien en fait. Vous avez tout perdu. Vous ressortez, le temps est passé, vous n’avez aucune expérience professionnelle, même ce que vous faites à Fleury ce n’est pas validé. Et ils n’ont plus la patience de travailler pour quelqu’un. Ils n’acceptent plus l’autorité. Parce qu’en fait ils ont tellement mal à la tête quand ils sortent. Ils n’ont plus rien à perdre. La prison est devenue une habitude. C’est sa deuxième maison, c’est malheureux à dire, mais ça ne lui fait plus rien au bout d’un moment. C’est choquant, mais c’est la vérité »
Quand on sort, est-on sûr de retrouver sa copine ? C’est aussi cela la double peine...
« Le public majoritaire est constitué de jeunes qui ont souvent une copine, mais ce n’est pas forcément une relation solide. En revanche, j’ai connu des relations qui se créaient entre l’intérieur et l’extérieur. Des « correspondantes » qui écrivent, et bien souvent la relation finit en couple. Comme facteur de réinsertion ensuite, c’est énorme. Mais on le voit plus avec des gens qui ont un certain âge et surtout sur des peines un peu lourdes »
Retour à la cité après l’incarcération
L’avenir du jeune semble se décider dans ce moment très particulier où le libéré retrouve son immeuble, son quartier, ses amis :
« Il faut éviter le temps mort quand le jeune revient dans sa cité, il retient le mur, en bas, il ne sait pas quoi faire, fume le pétard s’il s’emmerde. La société le fait chier : « J’ai pas ma place ». Il est révolté. Parce que quand tu ressors et que tu n’as rien, tu peux te laisser polluer par les copains. Le tout, c’est qu’après la sortie il n’y ait pas cette double peine. Il y en a d’autres qui ne font pas ce chemin, ils ont envie de sortir, ils ne pensent peut-être pas à recommencer, mais ils veulent juste sortir. Point barre. On recommence par la nature des choses. L’environnement carcéral »
« Quand vous revenez dans le quartier, il y a toujours cette ambiance de potes, on va toujours vous parlez d’un plan, d’argent, il y a ceci à faire, il y a cela à faire, et même si vous n’allez plus entrer dans la même délinquance... vous allez entrer dans une autre, vous allez faire attention à la manière dont vous allez prendre l’argent parce que vous avez rencontré pendant votre incarcération des gens qui vous ont appris des vices, qui vous ont appris comment faire, comment ne pas se faire attraper... Je suis resté un mois et demi, mais pendant ce mois et demi on discute avec les gens, vous êtes en promenade, les gens vous racontent : moi je me suis fait attrapé parce que j’ai fait ci, parce que j’ai fait ça »
Le traumatisme vécu par la famille a été tel que parfois le jeune qui sort n’est pas le bienvenu :
« On a connu des jeunes qui en sortant de prison sont complètement rejetés et là c’est pas la double peine... c’est le vide. Un vide complet. C’est heureusement pas la majorité. Nous, on essaie d’anticiper tout cela pour éviter justement que la sortie soit un vide, mais ce n’est pas forcément simple tout le temps »
Alors parfois il se laisse tenter par des issues extrêmes :
« Les jeunes ils sont là, il y a des frères, des extrémistes, ils viennent. S’ils donnent de l’argent, si on te considère, si on te valorise, on te dit comme quoi t’es quelqu’un de bien. Mais eux ils sont bêtes, parce qu’ils se laissent engréner dans ces trucs. C’est comme les deux frères Kouachy [7], ils étaient élevés par la France, par les éducateurs. Ils sont devenus quoi ? Le système est pourri »
La réputation
La double peine ensuite, c’est aussi le regard des autres sur vous qui change :
« Suite à ma sortie d’incarcération, ma réputation à moi c’était le jeune dur qui se laisse pas faire, fallait pas rigoler avec moi, parce que voilà, je n’étais pas un tendre. Je ne voulais pas que cette étiquette-là me colle à la peau ! Je voulais être l’image du jeune qui a mal tourné pas parce qu’il voulait mal tourner. S’il a mal tourné c’était peut-être l’environnement social dans lequel il évoluait qui a fait qu’il a mal tourné, c’était peut-être ça »
« Il faudrait changer le regard, voir ça comme une erreur de parcours, quelqu’un qui a besoin d’aide, qui demande de l’aide. Malheureusement, de nos jours, on ne voit pas ça comme ça. : « C’est un criminel, c’est un bandit, on le met de côté dans une case. Allez, reste dans ta case, de toute façon, on a des structures adaptées pour vous. Soit tu rentres dans le moule soit tu restes dans ton moule. On a ces structures-là pour toi ». Certains arrivent à mettre des mots sur ce qu’ils ressentent, ils arrivent à en parler et à trouver des solutions. Quelqu’un qui n’a pas ça, il est mort. Quelqu’un qui n’arrive pas, qui est resté trop longtemps encrassé dans cette chose-là, c’est une personne comme ça au contraire, qu’il faut le plus aider, le plus accompagner, mais c’est pas comme ça que ça se passe. Une personne comme ça aujourd’hui, tu l’évites comme la peste, malheureusement »
« Tu as réussi à trouver un petit travail, tu vas manger au resto avec ton patron pour faire un peu plus connaissance. Une voiture de police s’arrête et tu es mort : « Bonjour M. Untel. Alors, on vole toujours ? On braque toujours ? » Devant ton patron ! « Bon, je vais manger tout seul. Rentre chez toi, t’es viré. » Tu es baisé après pour la vie. Déménage, change de département. Juste pour le regard des gens, change de département. Ça aussi c’est la double peine, le regard des gens, il change »
Le casier judiciaire ajoute une couche au mille-feuille des peines. Il se transforme souvent comme une interdiction de vivre, de travailler, d’exercer ses droits de citoyen :
« En 2013 y’a des jeunes qui ont tapé un petit voisin, ils sont partis avec le fusil à pompe. Donc moi, je suis sorti, j’en ai défoncé un. De toute façon, c’était lui qui était en tort. Eh bien, qu’est-ce qui a resurgi ? Mon casier judiciaire de quand j’étais jeune. Ils m’ont dit : « Oui, mais... » comme quoi j’avais fait des violences quand j’étais jeune, association de malfaiteurs, différents chefs d’inculpation. Ils se sont demandé si c’était pas moi qui étais à l’origine de ça. Je leur ai dit : « Mais non ! ». J’avais récupéré le fusil à pompe qui traînait dans le quartier et je leur avais donné en mains propres ; et ils ont osé me demander si c’était pas moi à l’origine de ça. Je leur ai dit : « Mais attendez, c’est quoi votre truc ? Ils ont tiré sur mon cousin, là je ramène le fusil à pompe, et vous me demandez si c’est pas moi ! » Puis après j’ai été convoqué. Encore quarante-huit heures en garde à vue, déféré au parquet avec interdiction de sortir pendant un an à cause de mon casier judiciaire. Interdiction de sortie pour un coup de poing... Donc, ça veut dire que c’est aggravé compte tenu de mon passé »
« Quand vous avez un casier judiciaire, si vous passez devant le juge ou le procureur, en fait vous n’êtes plus crédible. Vous êtes condamné. Vous pouvez ramener les preuves, avec l’avocat, démonter par A + B, même s’il y a des caméras. Obligatoirement vous êtes condamné. Ça veut dire qu’on peut donner votre nom pour n’importe quelle affaire, franchement, vous allez prendre. Je sais que pour trois affaires, il n’était pas dedans. Les personnes prises avaient dit qu’il n’était pas dedans, mais on n’a pas voulu les écouter... C’est ça aussi qui est dur. Ça veut dire que demain il se passe un truc, bah c’est chez vous qu’on va venir frapper. Alors que si ça se trouve vous êtes rangé, vous êtes posé, vous êtes marié »
« Une fois qu’on a un casier chargé, on ne peut plus rien faire. Vous êtes condamné avant d’être jugé ! On n’est pas présumé innocent. Ça ce n’est pas vrai. A notre niveau à nous, on est coupable avant d’être condamné. Peut-être que la classe sociale au-dessus c’est autre chose parce qu’on n’a pas les mêmes moyens, on n’a pas les mêmes avocats. On n’a pas la même justice. Parce qu’en fait, nous, on n’a pas été acceptés. En fait, nous on est la jeunesse perdue. Et eux, les plus jeunes que nous, ils sont encore plus perdus »
« Maintenant, quand on a fait quelque chose, si on refait la même chose, on est condamné deux fois plus. C’est ça la double peine ! »